Déséquilibre significatif en franchise : Tirons-nous toujours les leçons de ce que nous vivons, de ce que nous constatons ?
Si la crise que nous traversons cause des dégâts considérables au sein d’un grand nombre d’entreprises, cette crise cristallise aussi des aventures humaines qui doivent nous inspirer.
Qu’est-ce qu’un Réseau, au fond, si ce n’est le choix de développer un projet ensemble, de partager le savoir, et de travailler en favorisant la dynamique collective.
La crise nous a montré une foule d’exemples d’adaptations, de réactions solidaires, d’accélérations …. où les membres des réseaux ont été des acteurs constructifs et dynamiques du succès collectif.
Lorsque nous écoutons des entrepreneurs, nous entendons souvent des discours passionnés, tournés vers les femmes et les hommes qui constituent leur réseau et nous découvrons des méthodes de travail qui invitent au partage des expériences.
Plus le chef d’entreprise aura accumulé de l’expérience, plus ce discours sera prégnant et prendra de l’importance dans les valeurs qu’il véhicule avec ceux qui l’accompagne.
Et pourtant, nous constatons que les documents d’informations contractuelles et les contrats, ne reflètent pas toujours cet état d’esprit. Pourquoi ?
Qu’est-ce qu’un Réseau, au fond, si ce n’est le choix de développer un projet ensemble, de partager le savoir, et de travailler en favorisant la dynamique collective.
La notion de déséquilibre significatif en franchise
Le législateur invite les têtes de réseau à communiquer une information préalable fiable et honnête, pour éviter les vices du consentement. Au fond, pour démarrer sur de bonnes bases de confiance et d’honnêteté. Ce que les articles L 330-3 et R 330-1 du code de commerce organisent, désormais accompagnés de l’article 1112-1 du code civil qui nous rappelle, ce qui devrait relever du simple bon sens.
Comme dans toutes les classes, il y a quelques mauvais élèves qui nuisent à la grande majorité de ceux qui travaillent dans le respect des règles de l’art … il peut y avoir des dérives. Qu’à cela ne tienne, le législateur et les juridictions sont là pour rappeler qu’une relation d’affaires pour être saine, se doit d’être équilibrée. Le droit spécial issu du code de commerce alerte les professionnels sur la nécessité d’organiser les relations sans « déséquilibre significatif ». Et pour le cas où notre attention n’aurait pas été soutenue, le législateur est venu ajouter au sein du code civil, une disposition similaire au sein de l’article 1171 qui vient sanctionner dans les contrats d’adhésion, toute clause créatrice d’un déséquilibre significatif, et notamment d’un déséquilibre significatif en franchise.
Finalement :
- les discours de la plupart des têtes de réseau vont inviter à l’équilibre
- les dispositifs légaux confirment cette attitude de bons sens en créant des outils de protection, en cas d’abus notamment en matière de déséquilibre significatif
- les magistrats viennent sanctionner les abus (déséquilibre significatif) constatés sur le marché
Tout cela forme un tout cohérent …. Et pourtant, une tendance de surprotection juridique des têtes de réseau se dessine et vient contredire les principes ci-dessus exposés, pourtant empreints de bon sens.
Les Documents d’Informations Précontractuelles deviennent des documents de décharge de responsabilité des têtes de réseau ! …. Ce que certains contrats avaient déjà entamé en mettant à la charge des franchisés des obligations précises, détaillées et sanctionnées parfois à l’excès, alors que les obligations des têtes de réseau se raréfiaient ou devenaient optionnelles, sans sanctions particulières.
L’ensemble tend de plus en plus à générer un déséquilibre plus que significatif des relations contractuelles, alors même que cette surprotection n’est pas forcément recherchée par la tête de Réseau et encore moins par son dirigeant.
Pour illustrer ce constat, nous nous proposons de rappeler le cadre général de la notion de déséquilibre significatif, puis dans un second temps, de soumettre à votre réflexion les zones d’effort qui devraient être encouragées pour en revenir à plus de mesure et renvoyer ainsi chacune des parties prenantes, à leurs responsabilités.
Les Dispositifs qui invitent les Réseaux à la recherche d’un équilibre plus juste
1 – Le dispositif général relatif au déséquilibre significatif du nouvel article 1171 du code civil
L’article 1171 du code civil dispose que « dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ».
Le texte ne s’applique qu’aux contrats d’adhésion lequel est défini à l’article 1110 alinéa 2 du code civil comme « celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties »
Il faut retenir que les tribunaux nous diront si l’expression «ensemble de clauses » signifie « au moins deux clauses » ou signifie une appréciation qualitative de l’ensemble des clauses dites « imposées ».
Par ailleurs, il faut aussi garder à l’esprit qu’il ne suffit pas que les clauses aient été déterminées à l’avance par l’une des parties, mais il faut également que ces clauses n’aient pas pu être négociables.
L’intervention du juge sur le fondement de l’article 1171 du code civil ne pourra donc porter que sur un contrat d’adhésion, c’est-à-dire sur des clauses déterminées à l’avance et non négociables, et créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
2 – Le dispositif spécial du déséquilibre significatif, applicable en franchise, issu de l’article L. 442-1 I 2° du code de commerce
Selon l’article L. 442-1 I 2° du code de commerce, « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 2° de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
Ce texte spécial qui s’applique aux relations entre franchiseurs et franchisés, se distingue-t-il de l’article, 1171 du code civil ? Le texte spécial exclut-il le texte général de l’article 1171 du code civil ?
Il faut tout d’abord observer que l’article L. 442-1 I 2° peut s’appliquer à tous types de contrats, et pas uniquement aux contrats d’adhésion et qu’il peut sanctionner tous les déséquilibres significatifs, y compris les déséquilibres de valeur. Cette disposition est donc, et bien entendu, applicable au déséquilibre significatif en franchise.
On notera que l’action fondée sur le code de commerce est une action en responsabilité qui oblige à la réparation d’un préjudice, alors que l’action fondée sur l’article 1171 du code civil vise à réputer non-écrite la clause litigieuse.
D’autres différences existent en matière de prescription ou de compétence juridictionnelle.
La véritable question qui reste posée, est de savoir comment ces deux régimes vont coexister !
Pour anticiper et mesurer la place que peuvent prendre ces deux dispositifs dans les relations entre les têtes de réseaux et leurs adhérents, quelques pistes peuvent être exposées :
- Suivant l’article 1105 du code civil, les règles générales s’appliquent sous réserve des règles particulières. Il en résulte que les secondes ne chassent en principe les premières que si elles sont incompatibles avec elles, ce qui n’est a priori pas le cas en l’espèce.
- Si des travaux parlementaires semblent privilégier le recours à l’article L. 442-1 I 2°, rien ne permet à ce jour d’être certain que les juges, en matière de contrat de franchise notamment, retiendront le principe d’une application exclusive du texte spécial.
Aussi et par soucis de prudence, il sera conseillé d’envisager comme possible l’application de l’article 1171 du code civil en cas déséquilibre significatif dans un contrat de franchise.
Ceci étant rappelé, pourquoi malgré ces dispositifs venant renforcer un état d’esprit initial fondé par les articles L 330-3 et R 330-1 du code de commerce, la tendance contractuelle semble aller vers la surprotection juridique de la tête de réseau ?
Pourquoi les réseaux flirtent-il parfois avec le déséquilibre significatif ?
A notre sens, quatre explications peuvent être avancées pour expliquer les dérives parfois constatées.
La première raison est celle de la maîtrise des risques juridiques
Si la tête de réseau est prête à assumer ses engagements et ses obligations, il n’en demeure pas moins qu’elle cristallise sur sa tête l’ensemble des risques remontants du réseau vers elle.
Sans diminuer les risques portés et assumés par chaque adhérent, il faut constater que par un effet purement arithmétique la tête de réseau peut voir concentrer sur elle plus de tensions et de conflits, et qu’il est bien nécessaire pour protéger tous les adhérents des conséquences d’une défaillance de la tête de réseau, que celle-ci doit se protéger de manière efficace.
Cette première explication justifie que le contrat organisant la vie du réseau, pour coordonner de manière juste les actions de tous, et pour préserver l’intérêt supérieur du savoir-faire, soit structurée de manière exigeante envers les adhérents tout en protégeant le détenteur du concept.
Pour autant, cette protection et cette exigence, ne doivent pas être excessives.
La deuxième raison est la méconnaissance des règles de droit
Le Dirigeant est rarement un juriste !
Son discours qui se veut être celui d’un leader et d’un rassembleur envers les candidats à l’adhésion au sein de son réseau, est rarement retranscrit au sein des actes juridiques. La méconnaissance du droit et de la jurisprudence peuvent amener le dirigeant à « suivre » les recommandations de son conseil, sans les challenger de manière pertinente.
Cette posture à l’égard du « sachant » peut conduire ce dirigeant à disposer entre ses mains d’un contrat, qui ne lui ressemble pas, et à créer des écarts de langage entre les valeurs et les engagements qu’il promeut et in fine, les clauses qui viennent mal retranscrire ces engagements et ces valeurs.
Le déséquilibre significatif en franchise peut donc résulter purement et simplement d’un manque de connaissances en matière juridique.
La troisième raison est le manque de remise en question de certaines pratiques de cabinets de conseils
Les cabinets Conseils sont mandatés pour préserver les intérêts de leurs clients, aussi, pour ne pas voir leur responsabilité engagée, ils peuvent avoir tendance à renforcer la protection de la tête de réseau lors de la rédaction de chaque clause, afin de ne pas encourir de critiques ultérieures.
Les effets pervers de cette surprotection juridique peuvent tenir en deux propositions :
- A vouloir protéger à l’excès, cela peut revenir à faire grandir le risque de déséquilibre significatif de la franchise considérée.
- Les écarts de discours peuvent venir porter atteinte à l’image de la tête de réseau et faire fuir de bons candidats qui ne voudront pas remettre leur avenir au sein d’un contrat trop déséquilibré
Déséquilibre significatif en franchise : Du devoir de se renseigner des candidats à la franchise
Les commerçants indépendants qui décident d’investir sur la base des informations communiquées par les têtes de réseau, ne sont pas des personnes fragiles et ont le devoir de se renseigner et d’être exigeants.
Un Document d’Information Précontractuelle qui, de manière maladroite, se transforme en simple décharge de responsabilité, peut être rejeté et challengé par le candidat à la franchise. S’il est rigoureux et s’il s’agit d’un bon candidat, son exigence fera progresser la tête de Réseau qui pourra revenir dans l’élaboration de ses documents à plus de raison et d’équilibre.
Un Contrat qui pour démontrer qu’il n’est pas d’adhésion et a été négocié, comporte des clauses préécrites indiquant que le franchisé reconnaît que le contrat a été négocié ou qui comprend des « dispositions générales » et des « dispositions particulières » dont chacun sait que ni les unes, ni les autres ne sont réellement négociées, peut aussi être challengé avec exigence.
In fine, et pour revenir à plus d’équilibre et de justesse, peut-être faut-il rappeler à chacune des parties prenantes le devoir de responsabilité que chacun se doit d’avoir les uns envers les autres S’agissant d’un Réseau, d’un projet commun, pour ne pas dire pour le temps contractuel, d’un bien commun dont il faut prendre soin, ensemble.
Comment nous pouvons vous aider ?
Franchise Management vous accompagne sur ses problématiques en vous formant aux fondamentaux qui permettent à un franchiseur de construire une relation équilibrée, base de la performance réciproque des parties. Pour développer un réseau, et lui donner toutes les chances de réussir, les questions de l’équilibre et de l’équité sont essentielles et nous vous accompagnons à les traiter de manière objective et factuelle.