Exclusivité en franchise : De quoi parle t’on ?
Le terme « exclusivité » est associé au renforcement d’une valeur, à un mécanisme de protection, lorsque celle-ci est négociée et obtenue.
Mais au fait, de quoi parle-t-on lorsqu’on évoque l’exclusivité en franchise, dans le cadre de la relation franchiseur – franchisé ?
Lorsqu’on parle d’exclusivité en franchise, dans le cadre d’une relation de franchise, et donc d’un contrat de franchise, on parle généralement de l’une de ces trois notions :
- La situation d’exclusivité ou de quasi exclusivité évoquée par l’article L 330-3 du code de commerce (Loi Doubin)
- L’exclusivité territoriale et de son caractère obligatoire, facultatif, usuel
- La limitation dans le temps des clauses d’approvisionnements exclusifs au regard des dispositions du droit de la concurrence
Cet article a pour but d’éclaircir ces notions et de vous aider à mieux cerner les contours légaux des clauses que vous serez amené à trouver au sein des différents contrats proposés par les têtes de réseau et plus particulièrement par votre enseigne.
la notion d’exclusivité évoquée par l’article L 330-3 du code de commerce
Le texte de l’article L.330-3 du Code de commerce qui prévoit l’obligation précontractuelle de renseignement a trouvé une consécration légale avec l’article 1er de la loi n°89-1008 du 31 décembre 1989 dite « loi Doubin » qui impose, pour certains contrats, une information préalable à leur conclusion.
Selon ce texte :
« Toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l’intérêt commun des deux parties, de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s’engager en connaissance de cause.
La mise en oeuvre concrète du respect de la Loi Doubin, c’est la remise d’un Document d’information précontractuelle, au moins 20 jours avant la signature de tout contrat.
L’article L.330-3 suppose, pour son application, « un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité » qui caractérise une situation de dépendance. Une des difficultés d’application de ce texte réside dans la détermination de la notion de « quasi-exclusivité ». Une définition générale étant difficilement envisageable, la casuistique est inévitable.
À titre d’exemple on peut estimer que constitue une quasi-exclusivité imposée à un distributeur une clause de minimum ou de quota si draconienne que l’exécution de cette obligation absorbe, en réalité, la quasi-totalité du temps et de la capacité de travail du distributeur. Sans qu’il soit tenu par une obligation d’exclusivité stricto sensu, un tel distributeur se trouve, en fait, dans l’impossibilité de traiter avec un autre fournisseur. De manière générale, la jurisprudence considère que quand bien même le contrat en cause ne mentionnerait pas le terme « exclusif », ce caractère peut ressortir sans ambiguïté d’une obligation – par exemple d’approvisionnement – assortie d’une clause pénale.
La question pourra également se poser de savoir si une clause de non-concurrence, par laquelle le distributeur s’interdit de commercialiser des produits concurrents, s’assimile à une « quasi-exclusivité ». Une réponse affirmative paraît s’imposer dans la mesure où, dans ces conditions, le distributeur consent à n’acheter, en vue de la revente, qu’auprès du fournisseur. Il en va notamment ainsi dès lors que le distributeur exerce son activité sous une enseigne commune.
À l’inverse, la liberté d’exercer une activité non concurrente n’exclut en rien la possibilité de reconnaître une quasi-exclusivité.
Si en tout cas un distributeur est soumis à un engagement d’exclusivité pour certains produits, la loi Doubin s’appliquera même si ces produits ne représentent qu’une faible partie de son activité par rapport à d’autres qui ne font pas l’objet de la même obligation. Tout dépend de la part que les produits ou services visés au contrat représentent dans ceux proposés dans la même catégorie par le distributeur. Sur ce point, les textes européens visent le seuil de 80%. Mais un raisonnement par analogie avec la notion de quasi-exclusivité propre au régime des gérants de succursales (art. L.7321-1 et s. C. trav.) autoriserait à baisser ce seuil aux alentours des deux tiers, à suivre la jurisprudence.
Enfin, le lien d’exclusivité ou de quasi-exclusivité doit s’apprécier au regard de la situation du franchisé par rapport au franchiseur au moment de la conclusion du contrat, et non au moment de son exécution.
On peut ici signaler que l’exclusion des sociétés coopératives artisanales du champ d’application de l’article L.330-3, C. com. s’appuie sur cette considération qu’il y a certes une exclusivité mais qu’elle ne porte pas sur un approvisionnement mais sur de simples conseils ou des obligations d’assistance dans les domaines administratif, informatique, réglementaire, technique et qualité.
Vous l’aurez compris, l’exclusivité en franchise, dans ce cas précis, concerne la relation exclusive qui organise la relation franchiseur – franchisé. Et donc, par conséquent, l’obligation de respecter la loi doubin, de s’y conformer en remettant à ses candidats un document d’information précontractuelle.
L’exclusivité territoriale dans le contrat de franchise
En matière de franchise, la clause d’exclusivité territoriale est une clause par laquelle la tête de réseau concède un territoire géographique contractuellement défini au franchisé en lui réservant une exclusivité d’enseigne et/ou de produits. Ni le franchiseur, ni les autres franchisés du franchiseur ne sont alors autorisés à s’implanter dans cette zone.
Ce sujet est un point essentiel d’un point de vue juridique mais aussi organisationnel. L’exclusivité territoriale organise le maillage du réseau. Cette exclusivité est un pilier de la relation de franchise dans beaucoup d’enseigne, car elle permet au franchisé de valoriser son activité sur un territoire donné.
Toutefois, l’exclusivité territoriale n’est pas de l’essence du contrat de franchise de sorte qu’elle doit être stipulée expressément, même en présence d’une obligation d’approvisionnement exclusif.
A défaut de clause, le franchiseur n’est pas tenu d’informer le franchisé de nouvelles implantations, cependant et même en l’absence d’une telle stipulation, les juges peuvent parfois sanctionner le comportement d’un franchiseur qu’il considère incompatible avec l’exigence de loyauté et de coopération contractuelle
En pratique, l’exclusivité territoriale peut revêtir trois formes différentes :
- L’exclusivité de franchisage peut interdire l’implantation d’un autre point de vente franchisé sur la zone géographique exclusive concédée.
Cette exclusivité peut être renforcée dès lors que le franchiseur s’engage à non seulement à ne pas conclure d’autres contrats de franchise dans le territoire concédé mais aussi à imposer à ses autres franchisés l’obligation de ne pas commercer sur ce territoire. Corrélativement,le franchisé exclusif se verra imposer de ne pas vendre les produits du franchiseur en dehors de son territoire. Dans ce système, chaque franchisé est protégé contre la concurrence des autres s’agissant des ventes actives c’est-à-dire celles qui impliquent des actes positifs de démarchage des auprès des clients situés en dehors du territoire concédé.
- en deuxième lieu, le franchiseur peut accorder au franchisé une exclusivité de fourniture. Il s’agit de l’obligation pour le franchiseur d’approvisionner exclusivement le franchisé sur un territoire déterminé en produits portant sa marque. Le franchiseur ne peut alors pas vendre directement ses produits au consommateur.
- en troisième lieu, le contrat de franchisage peut stipuler une clause d’exclusivité d’enseigne. Dans ce cas, il est interdit au franchiseur de s’implanter à titre personnel avec la même enseigne du réseau de franchisage sur le territoire exclusif du franchisé ou bien de permettre à un autre distributeur de s’installer sur ce territoire en utilisant son enseigne. En revanche, le franchiseur peut s’implanter sur le territoire exclusif, à titre personnel ou par l’intermédiaire d’un distributeur indépendant, avec une autre enseigne, un autre concept et des produits n’ayant pas la même marque.
Attention, pour la franchise comportant une clause d’exclusivité territoriale, Internet constitue un frein puissant à l’exclusivité territoriale, dès lors que les sites du franchiseur et des différents franchisés sont par définition accessibles dans les territoires concédés.
Ce que le franchiseur ne peut pas faire : exclure de façon générale et absolue la vente en ligne par les membres du réseau de franchise. => En général, l’utilisation par un franchisé d’un site internet pour vendre ses produits est considérée comme une forme de vente passive.
Ce que le franchiseur peut faire : imposer au franchisé de vendre un minimum de produits dans son point de vente physique afin d’en assurer le bon fonctionnement. Cette quantité doit être indiquée en quantité absolue (valeur ou volume). Le franchiseur peut aussi imposer au franchisé une coordination par la création de liens entre les sites ou d’un portail unique du franchiseur abritant les sites des franchisés.
DO |
DON’T |
¾ Définir précisément la zone géographique pour laquelle le franchiseur concède une exclusivité territoriale ;
¾ Définir des règles d’utilisation strictes d’internet; En particulier, en cas d’interdiction de revente sur des market place, justifier cette interdiction aux regards des caractéristiques essentielles des produits ; ¾ Définir des règles de coexistence entre les franchisés lorsque des sites internet sont créés (« règles de bon voisinage »); ¾ Encadrer la répartition des ventes en ligne et des ventes physiques Il peut être utile dans ce cas de gérer la question des plans de communication croisés entre franchisés de territoires limitrophes. |
¾ Interdire au franchisé de satisfaire les commandes des clients situés hors du territoire concédé
¾ Exclure de façon générale et absolue la vente en ligne par les membres du réseau de distribution ; il faut se rappeler la limitation à 5 cinq ans des clauses d’exclusivité en cas d’application du droit communautaire de la concurrence |
Ainsi, quand on parle d’exclusivité en franchise, on parle souvent d’exclusivité territoriale, quelque soit sa forme. Sur ce sujet précis, le contrat de franchise doit être le reflet de la stratégie du Franchiseur, et notamment sa stratégie de distribution et de couverture du territoire. Il convient d’être toutefois vigilant sur le bon respect de la clause d’exclusivité territoriale, telle qu’elle inscrite au contrat.
Quelles sont les sanctions encourues en cas de non-respect de la clause d’exclusivité territoriale ?
En cas de non respect d’une clause d’exclusivité territoriale, les sanctions encourues peuvent être :
- La résiliation du contrat de franchise
- Le versement de dommages et intérêts
Les clauses d’approvisionnement exclusif
La clause d’exclusivité d’approvisionnement est celle par laquelle le franchisé s’engage à s’approvisionner exclusivement auprès du franchiseur pour certains types de produits. Cette clause est un élément de qualification du contrat de concession. Elle est en revanche facultative dans un contrat de franchise.
I) La clause d’approvisionnement exclusif doit être indispensable pour préserver l’identité et la réputation du réseau
Cette condition implique que le franchiseur ne peut imposer une telle clause que pour les produits très liés à leur savoir-faire. En revanche, les clauses d’approvisionnement exclusif portant sur des produits accessoires au concept transmis sont interdites comme par exemple :
- Les clauses d’approvisionnement exclusif portant sur des éléments d’agencement des établissements franchisés (meubles vitrines, présentoirs, jeux d’étiquettes et chevalets), à l’exception des éléments spécifiques et propres à la Franchise ;
- Les clauses d’approvisionnement exclusif portant sur des produits n’ayant aucune qualité spécifique (imprimantes, ordinateurs, caisses enregistreuses, papier à lettres)
II) Condition de durée
La durée d’un tel engagement ne peut excéder celle du contrat de franchise. Le fait de conclure un contrat d’approvisionnement exclusif formellement autonome ne permet pas de contourner cette limite. En effet, l’article L. 341-1 du Code de commerce impose une échéance commune aux différents contrats conclus entre un opérateur amont et un opérateur aval. Ainsi, si le contrat de franchise est résilié ou arrive à son terme, le contrat d’approvisionnement exclusif sera automatiquement résilié.
En vertu de l’article L. 330-1 du code de commerce, elle ne peut en tout état de cause excéder 10 ans.
Et dès lors que le droit de l’Union européenne est applicable (c’est-à-dire le plus souvent), la durée d’une clause d’exclusivité d’approvisionnement ne peut excéder 5 ans (sauf cas spécifiques) si tant est que les parties veuillent bénéficier de l’exemption.
Néanmoins, dès lors qu’elle constitue un élément décisif pour préserver l’image et l’identité du réseau, une clause d’approvisionnement exclusif nécessaire pour trouver chez chacun des franchisés une uniformité de qualité et de goût des produits, fabriqués selon un cahier des charges et un procédé propre au fournisseur, ne constitue pas une restriction de concurrence au sens des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce, même si elle est conclue pour une durée indéterminée
III) L’obligation d’achat exclusif ne doit pas être restrictive de concurrence. Ainsi, la clause ne peut pas interdire au franchisé de se fournir auprès de ses co-franchisés.
IV) Ni la quantité ni la qualité des produits visés par l’accord d’achat exclusif ne doivent être laissés à la seule volonté du franchiseur
V) Si possible, le prix des produits objet de l’obligation d’exclusivité doit être déterminé ou déterminable. A défaut, l’article 1164 du code civil dispose qu’ il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéralement par l’une des parties, à charge pour elle d’en motiver le montant en cas de contestation.
Lorsqu’on parle d’exclusivité en franchise, on peut donc également parler d’exclusivité d’approvisionnement. Ce sujet complexe doit souvent être apprécié au regard de la stratégie du Franchiseur, mais aussi et surtout des marges de liberté qui doivent être concédées au franchisé, chef d’entreprise indépendant.
En effet, la mauvaise application des règles relatives à l’exclusivité d’approvisionnement font peser des risques notoires, dont certains sont évoqués ci-après.
Quels sont les principaux risques ?
Les principaux risques concernant l’exclusivité d’approvisionnement peuvent être les suivants :
- Action en responsabilité contractuelle.
- Résiliation du contrat de franchise.
- Nullité du contrat de franchise si la clause d’exclusivité d’approvisionnement est déclarée nulle et qu’il s’agit d’une clause essentielle du contrat.
- Sanction pour exploitation abusive d’un état de dépendance économique sur le fondement de l’article L. 420-2 du Code de commerce si le franchiseur abuse de la situation de dépendance économique du franchisé dans le cadre des contrats de vente conclus en application de la clause d’exclusivité d’approvisionnement.
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