Les marketplace et la franchise
Les places de marché digitales, autrement appelées Marketplace, sont devenues en quelques années un sujet de préoccupation majeure pour les franchises.
Elles peuvent en effet permettre de toucher de nouveaux clients, de proposer une offre omnicanale, un relais digital en complément de leur présence physique. Mais elles posent aussi la question de l’uniformité de la promesse consommateur, du respect de l’image de marque, et de la rentabilité du modèle dans l’intérêt du réseau tout entier, franchiseur et franchisés.
Les Enseignes organisées en Réseau développent ainsi des plateformes de services afin de répondre au plus vite aux demandes digitales des consommateurs, sans cesse croissantes.
Mais les moyens financiers à mettre en œuvre sont souvent importants et les têtes de Réseaux peuvent opter le plus souvent au recours à des grands acteurs du marché.
Bien souvent, si la tête de Réseau tarde à agir, les membres de son Réseau vont solliciter eux-mêmes ces acteurs digitaux, ces marketplace, afin d’augmenter leur part de marché et ce au risque de ne plus respecter le concept, le savoir-faire, tel qu’il est défini par la tête de Réseau.
L’image de marque, l’uniformité de la promesse consommateur, peuvent se retrouver déstabilisés par le modèle et l’utilisation des marques faites par les marketplace.
Ces innovations digitales nous invitent à réfléchir aux conséquences juridiques et comptables qui découlent de leur mise en œuvre au sein des Réseaux et nous choisissons dans cet article de nous intéresser au statut de ces plateformes lorsque celles-ci collectent des paiements.
Plus particulièrement, l’objet de notre propos ne sera pas ici de réfléchir aux conséquences contractuelles de l’irrespect du Concept par l’Adhérent ayant eu recours à un service complémentaire qui n’est pas encore normé au sein du Réseau, mais de s’interroger sur les flux financiers entre les plateformes digitales et les membres d’un Réseau.
Marketplace et franchise : Une diversité de situations
Tout d’abord, une place de marché ne répond pas à une définition unique et nous pouvons trouver une pluralité de situations.
La plateforme peut opérer des achats et effectuer des reventes, et nous serons ici dans une situation plus « traditionnelle » à qualifier au plan juridique.
La plateforme peut également agir comme une sorte d’intermédiaire entre les vendeurs de biens et de services et les consommateurs.
Dans cette seconde hypothèse, celle qui nous intéresse dans cet article, un opérateur de plateforme en ligne avec intermédiation pourrait être défini comme : « toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur :
- Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;
- La mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service. »
Ce système reposerait ainsi sur un schéma juridique qui s’apparenterait au courtage.
Cet intermédiaire « digital » peut proposer à cette occasion divers services tels que :
- Un espace de présentation des gammes de produits
- Des publicités et une animation commerciale et/ou promotionnelle
- Des services de paiement
- … etc
Mais cet intermédiaire peut-il encaisser les sommes d’argent payées par les consommateurs, prélever sa commission, puis ensuite reverser le produit des ventes aux partenaires commerciaux qu’il aura préalablement référencés ?
Les limites posées par le cadre réglementaire français et communautaire
Le code monétaire et financier (articles L.314-1 II 5°, L.314-1 II 7°, 314-1 II 3°) régit les ordres de paiements, l’encaissement pour le compte des vendeurs et l’exécution des virements associés à des comptes de paiement.
Pour effectuer de telles opérations, l’opérateur devra nécessairement bénéficier d’un agrément dont les seuls bénéficiaires sont ceux qui en font leur profession habituelle (établissements de crédit, banque de France, Etablissements de paiement …).
Les solutions pour l’intermédiaire digital, la marketplace
Bien entendu, l’opérateur digital peut :
- Demander le bénéfice de l’agrément et en supporter toutes les obligations attenantes. (délais, frais de structure …)
- Recourir au service d’un tiers bénéficiant de l’agrément
Ou enfin, demander de bénéficier d’une exemption d’agrément, cette dernière option mérite de s’y attarder afin de comprendre ensuite la relation financière entre la plateforme, l’adhérent d’un Réseau et le consommateur.
L’article L521-3 dispose que :
« I. – Par exception à l’interdiction de l’article L. 521-2, une entreprise peut fournir des services de paiement fondés sur des moyens de paiement qui ne sont acceptés, pour l’acquisition de biens ou de services, que :
1° Dans les locaux de cette entreprise ou, dans le cadre d’un accord commercial avec elle, dans un réseau limité de personnes acceptant ces moyens de paiement ; ou
2° Pour un éventail limité de biens ou de services.
- – Dès que la valeur totale des opérations de paiement exécutées au cours des douze mois précédents dépasse un million d’euros, l’entreprise mentionnée au I du présent article adresse une déclaration contenant une description des services proposés à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. La déclaration précise au titre de quelle exclusion prévue au I l’activité est considérée être exercée.
…. »
Une plateforme peut donc ainsi obtenir une dérogation à l’agrément dans ces conditions strictes et bénéficier ainsi du statut « d’agent limité de collecte de paiement ».
En pratique : Quel impact pour les réseaux organisés et les réseaux de franchise ?
De nombreuses questions peuvent se poser en observant ces opérations complexes, mais bien entendu, celles qui touchent à l’assiette des redevances seront plus sensibles.
Imaginons que l’adhérent d’un réseau de franchise ait recours à un prestataire de livraison digitale et que ce dernier lui oppose une clause de ce type :
« Plateforme « x ». Lors de la signature d’un ….. , la Plateforme « x » sera mise à votre disposition de sorte que vous puissiez y accéder et demander des services de livraison sur demande fournis par des Partenaires de livraison. …….. Vous acceptez que la Plateforme « x » puisse mettre à disposition de vos clients un reçu et / ou une facture pour les « Produits » qu’ils achètent auprès de vous via la Plateforme « x ».
Vous : (i) désignez la Plateforme « x » comme votre agent limité de collecte de paiement uniquement aux fins de l’acceptation de paiements de vos clients en votre nom via la fonction de traitement de paiement permise par la Plateforme « x » et (ii) acceptez que les paiements effectués par vos clients à la Plateforme « x » (ou à toute société affiliée à la Plateforme « x » agissant en tant qu’agent de la Plateforme « x ») soient considérés comme des paiements effectués directement par vos clients à votre bénéfice. »
Il ressort de cette clause, que le Franchisé accepte « que la Plateforme « x » puisse mettre à disposition des clients un reçu et/ou une facture pour les « Produits » qu’ils achètent ».
Cela a pour conséquence que le Franchisé enregistrera en comptabilité l’intégralité de la commande en chiffre d’affaires.
En outre il résulte que la Plateforme « x » agit comme un « agent limité de collecte de paiement ». En acceptant les paiements des clients au nom du franchisé,
La Plateforme perçoit l’intégralité des sommes dont les frais de livraison et déduit, des sommes qu’elle restitue au franchisé, la commission qu’elle perçoit, de sorte que cette commission doit en principe être considérée comme une charge d’exploitation pour le franchisé.
Dans ce cas de figure le Franchisé ne pourra pas réduire l’assiette de ses redevances puisqu’il devra intégrer dans son chiffre d’affaires l’intégralité de la commande passée auprès de la plateforme digitale bénéficiant du statut d’agent limité de collecte de paiement.
Bien entendu, afin d’éviter tout malentendu avec ses adhérents, la tête de Réseau a tout intérêt à rappeler ces principes dans son Contrat d’Adhésion, son contrat de franchise, ou le manuel opératoire se rapportant aux flux financiers.
Le regard de l’expert Comptable
Par Olga Romulus, Expert-comptable spécialisé en commerce organisé, Membre du collège des experts de la Fédération Française de la Franchise
Augmenter ses ventes et toucher de nouveaux clients, qui peux résister à une telle promesse ? Les places de marché représentent une belle opportunité commerciale mais si vendre c’est bien, faire de la marge c’est mieux !
En effet, chaque transaction donne lieu au reversement d’une commission qui peut aller de 5 à 30% selon la marketplace considérée. Ce coût supplémentaire doit donc être intégré pour calculer la marge de bénéfice de chaque vente et ainsi pouvoir décider si cette stratégie s’avère rentable ou non pour son activité. Ce point sera à apprécier au regard du développement des produits d’exploitation mais également de l’économie de charges induite par le recours à ces plateformes. Les réseaux organisés ont donc tout intérêt à négocier en amont le coût de ce service pour leurs adhérents
Autre point de vigilance : la concurrence. La présence de ses concurrents sur une même marketplace peut engager une guerre des prix préjudiciable à son équilibre économique. Des comportements agressifs en terme d’offre amènent à rogner progressivement les marges. De plus, en cas de maintien de son propre e-commerce, l’adhésion à une place de marché peut inciter à proposer une politique de prix différente de celle pratiquée sur son propre site. Là aussi les réseaux doivent veiller à ce que ces comportements n’abîment pas leur image de marque.
En conclusion, il faut rester vigilant sur ce sujet pour ne pas succomber trop vite au chant des sirènes des marketplaces
Comment nous pouvons vous aider ?
Franchise Management et son Réseau de partenaires pourra vous aider à anticiper ces problématiques nouvelles en les formalisant dans un esprit pratique et pédagogique, et en définissant des process qui permettront au réseau et à ses membres de préserver durablement leur bien commun : L’image de marque.