Franchise et RSE : introduction
Les têtes de réseau organisées notamment en Franchise opèrent des mutations qui correspondent aux nouvelles aspirations de notre siècle.
- La prise en compte de l’impact des actions d’une entreprise sur son environnement (climat, biodiversité, social, …)
- La transparence et la lutte contre toutes les formes de corruption
- L’éthique sociale en France et en dehors du territoire national (conditions de travail, sécurité sanitaire ..)
- Les changements de gouvernance allant vers des modes de management plus libérés et plus coopératif et intégrant des nouveaux modes de travail. (aspirations individuelles, bien être …)
Mais les mutations imposées par les bouleversements du monde ne vont pas au rythme de ce que notre droit autorise. Aussi, le dirigeant avisé, se doit de trouver le juste rythme entre : participer à l’action innovante et collective, le plaçant ainsi parmi les leaders remarquables, tout en respectant un cadre légal qui évolue, selon ses aspects, à des rythmes différents.
Pour guider cette réflexion, nous vous proposons dans un premier temps, de faire un point sur quelques définitions puis dans un second temps, d’explorer, quelques encouragements et limitations, que le cadre légal propose simultanément aux dirigeants qui souhaitent relever les défis de la modernité.
Franchise et RSE : le cadre de jeu
La Franchise
Le Contrat de Franchise est un contrat par lequel une partie, le Franchiseur, met à la disposition d’une autre partie, le Franchisé en général :
- Une marque
- Un Savoir-Faire
- Une assistance technique et/ou commerciale en cours d’exécution du Contrat
En contrepartie de quoi le Franchiseur perçoit en général un droit d’entrée et des Royalties.
La notion de Savoir-Faire est ici cruciale, car il est nécessaire de déterminer ce qui entre dans ce savoir-Faire et ce qui n’y entre pas ?
Le Savoir-Faire
Le Savoir-Faire est un ensemble d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du Franchiseur et testées préalablement par ce dernier. Il réunit trois caractéristiques :
- Il doit être secret : c’est-à-dire qu’il ne doit pas être connu ou facilement accessible.
- Il doit être substantiel : c’est-à-dire qu’il doit apporter une valeur ajoutée au Franchisé
- Et enfin, il doit être identifié : c’est-à-dire qu’il doit être formalisé dans un manuel de savoir-Faire.
Sans entrer plus dans le détail, le Savoir-Faire du franchiseur permet de regrouper son expérience qui caractérise son Concept. Et la réitération des méthodes issues de cette expérience, doit permettre au Franchisé d’augmenter ses chances de succès ou, à tout le moins, d’éviter de construire des outils ou de tenter des expériences qu’un autre a d’ores et déjà expérimenté auparavant.
Franchise et RSE : les limites du Franchiseur
Là encore, sans entrer dans le détail, nous savons que si le Franchisé doit respecter le Savoir-Faire du Franchiseur, ce dernier ne peut pas pour autant s’immiscer dans la gestion de Franchisé, entrepreneur indépendant, au risque de supporter les risques inhérents à cette immixtion : requalification en contrat de travail, application des dispositions du contrat de travail ou immixtion dans la gestion.
Partant de ces définitions et limites, la question qui se pose dès lors, est de savoir si des politiques éthiques, portées par le Franchiseur et dont l’origine est soit interne soit imposée par la loi, peuvent être intégrées dans le Savoir-Faire du Franchiseur en ce qu’elles participent à l’image de marque du franchiseur et à l’homogénéité du concept à l’égard du public …. sans subir les risques précités ?
Pour nourrir le raisonnement, exposons les aspects de ce savoir-Faire corolaire au Concept et confrontons-le aux encouragements et limites d’origine légales.
I. Les politiques internes, susceptibles de faire partie du Savoir-Faire du Franchiseur
Les politiques internes qui participent à l’image du franchiseur et rayonnent sur le savoir-Faire du Concept, peuvent être tournées elles-mêmes vers « l’interne » :
- Dans une initiative du Franchiseur à l’égard de ses équipes : gestion des ressources internes, méthode managériale, santé et sécurité, méthodes modernes de travail (télétravail, lieu de vie des salariés ..°
- Dans une initiative du Franchiseur à l’égard des associés et de l’intérêt social de l’entreprise : gouvernance, système coopératif, entreprise de mission, raison d’être, création d’une fondation …
Mais ces politiques peuvent également être tournées « vers l’externe » :
- En effet, ces politiques peuvent avoir une dimension sociale dès lors que la responsabilité sociale de l’entreprise s’exerce à l’égard de ceux qui concourent à l’œuvre de l’entreprise en apportant leurs propres ressources : ainsi en est-il des fournisseurs, des sous-traitants, des franchisés.
- Ces politiques peuvent toucher à des sujets aussi variés que les droits humains, la lutte anticorruption, la protection des données personnelles, la concurrence, la transparence et la loyauté dans les affaires …
- Et bien entendu, ces politiques peuvent épouser la dimension environnementale : déchets, mesure d’impact, biodiversité, économies d’énergies et plus généralement des ressources, seconde vie des produits, réduction de toutes formes de pollution …
La source de ces politiques peut soit provenir d’une initiative du Franchiseur, soit provenir d’une disposition impérative de la loi.
1. Les Sources impératives
La force de la loi peut s’illustrer au travers de certains dispositifs devenus emblématiques et qui s’appliquent soit à toutes les entreprises, soit à certaines dépassant certains seuils.
Le règlement UE 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016
Relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, dit règlement général sur la protection des données (RGPD, ou encore GDPR, de l’anglais General Data Protection Regulation), est un règlement de l’Union européenne qui constitue le texte de référence en matière de protection des données à caractère personnel. Il renforce et unifie la protection des données pour les individus au sein de l’Union européenne et impose aux entreprises notamment structurées en réseaux à organiser l’information, la collecte, le transfert, le traitement, le stockage la conservation des données personnelles entre les différentes parties prenantes.
La loi Sapin II du 9 décembre 2016
Relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, mettant à la charge des grandes entreprises (au moins 500 salariés ou appartenant à un groupe de sociétés d’au moins 500 salariés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 100 millions d’euros) l’obligation de mettre en place des mesures et procédures dont l’objectif est d’identifier les risques de corruption et de mettre en place les moyens nécessaires pour éviter leur réalisation.
La loi du 27 mars 2017
Relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre qui oblige à mettre en œuvre de manière effective un plan de vigilance à toute société qui emploie à la clôture de 2 exercices consécutifs soit 5000 salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dans le siège social est situé en France, soit au moins 10 000 salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dans le siège social est situé en France ou à l’étranger (multinationales). « Le plan comporte les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu’elle contrôle au sens du II de l’article L. 233-16, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation ».
La loi Pacte du 22 mai 2019
A ajouté à l’article 1933 du code civil, applicable à toute société quelle que soit sa taille, un alinéa aux termes duquel « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».
2. Les sources non impératives
Le Franchiseur peut décider de s’engager dans la construction de politiques éthiques dont la source n’est pas imposée par la loi, en s’intéressant spontanément à des problématiques sociales, environnementales ou économiques mobilisant les actionnaires et/ou les équipes internes et/ou les parties prenantes. (Chartes internes, codes de bonnes pratiques ou de bonnes conduites, adhésion à des groupements, création d’association ou de fondation, action de parrainage ou de mécénat, mise en place de programmes de compliance …). Ces documents peuvent être rédigés en interne ou l’entreprise peut décider de s’engager à respecter volontairement des codes non impératifs. On peut citer le code de déontologie européen de la franchise qui notamment au sein de son annexe 13 énonce qu’ « en tant qu’entrepreneur responsable conscient des grands enjeux sociétaux, le franchiseur s’engage à mettre en place une approche RSE dans le développement de son réseau ».
II. L’intégration des politiques internes du Franchiseur au sein de son Savoir-Faire et/ou plus généralement au sein du Contrat de Franchise
Nous n’aborderons pas ici la question de la responsabilité du Franchiseur à l’égard du Franchisé s’il a pris des engagements spécifiques en matière de RSE, qu’il ne tient pas, afin de nous concentrer déjà sur la possibilité pour le Franchiseur d’imposer au Réseau des engagements qui dépassent la réitération stricte du Concept et du Business Model attenant.
L’enjeu consiste pour le Franchiseur à faire respecter les engagements qu’il a pris auprès de la clientèle, au nom de sa « Marque-Enseigne », tout en respectant l’indépendance du Franchisé.
Le Dirigeant engagé, éthique et volontaire, se place donc dans le rôle d’un équilibriste devant trouver la juste mesure entre l’obligation de respecter et de faire respecter les engagements pris afin d’assurer l’homogénéité et l’identité du Réseau et la liberté des Franchises qui exploitent avec indépendance, leur unité d’exploitation.
1. Les éléments qui concourent à l’imposition des engagements pris à l’égard du réseau et trouvant leur origine dans une base légale.
La loi vient ici encourager et imposer au Franchiseur un certain nombre d’obligations et ce dernier peut donc s’appuyer sur cette base légale pour imposer à son tour à son Réseau les mêmes obligations RSE.
Cette situation est la plus simple, bien qu’elle ne soit pas dénuée de difficultés que la jurisprudence pourrait sans doute lever, et apporter ainsi à toutes les parties prenantes de la sécurité juridique. Il serait en effet dommageable qu’une interprétation des textes viennent sanctionner la mise en œuvre de ces obligations par le Franchiseur au sein de son Réseau, sous couvert d’autres textes visant à garantir d’autres intérêts.
A titre d’exemple, lorsque le Franchiseur atteint les seuils qui le soumettent à un plan de vigilance , la question pourrait se poser de savoir si le franchisé est ou n’est pas un sous-traitant ou un fournisseur au sens strict de l’article L. 225-102-4 I al. 3 du code de commerce. La réponse devrait être affirmative par analogie en ce que le contrôle peut exister du fait de l’exercice « d’une influence dominante en vertu d’un contrat ou de clauses statutaires ». Cette situation pourrait ainsi couvrir « l’activité des concessionnaires, franchisés ou autres entreprises sur lesquelles la société dominante s’est réservé par contrat un pouvoir de contrôle exclusif », mais une sécurité jurisprudentielle serait la bienvenue.
Il est vrai que l’application des dispositifs légaux généraux aux réseaux organisés est rarement prise en compte …. mais c’est un autre sujet.
2. Les éléments qui concourent à l’imposition des engagements pris à l’égard du réseau et trouvant leur origine dans une base contractuelle
Ces éléments peuvent faire l’objet d’une clause contractuelle spécifique ou plus généralement être intégrés au sein des Manuels de Savoir-Faire lesquels constituent tout autant une obligation contractuelle à l’égard du Franchisé.
Si ces engagements RSE de nature écologique, environnementale, sociétale sont au cœur du Concept du Franchiseur, alors l’imposition de ces obligations par leur intégration au sein des Manuels de savoir-Faire, ne semble faire aucun doute. Ces engagements pourront dès lors être imposés à chaque membre du Réseau.
La question sera plus sensible si le cœur de l’activité franchisée ne se situe pas dans les obligations sociales ou environnementales discutées et a fortiori si le Franchiseur ne fait pas de ses engagements RSE un axe puissant de communication auprès de ses clients.
En résumé, il serait ici recommandé de vérifier si ces engagements sont rattachable sou non au cœur du Savoir-Faire du Franchisé et :
Dans l’affirmative, il serait alors nécessaire pour le Franchiseur de préciser ces engagements au sein des Manuels de Savoir-Faire, d’en assurer l’application homogène au sein du réseau et d’apporter son assistance auprès des franchisés afin de leur permettre d’en exécuter le contenu.
Dans la négative, de prévoir des clauses contractuelles spécifiques à ces engagements, en précisant pour chacune leurs modalités d’application.
Ces obligations détachables du cœur du Concept peuvent également être déclarées comme déterminantes du consentement du Franchiseur et ouvrir la voie à des sanctions diverses pouvant aller jusqu’à la résiliation du Contrat de Franchise.
3. Pour autant, la mise en place de ces volontés éthiques, encouragées aussi bien par la loi que par « l’air du temps », ne sont pas sans risques juridiques.
Sans entrer dans un profond développement, nous pouvons évoquer le sujet d’une éventuelle remise en cause de l’indépendance du Franchisé, ou celui du déséquilibre significatif qui pourrait être soulevé devant une Cour.
Franchise et RSE : l’indépendance du franchisé
La limitation de ce risque passera nécessairement par un juste dosage des obligations mises à la charge des membres du Réseau. Les magistrats apprécieront divers indices touchant aussi bien à l’origine légale ou interne des obligations, au lien existant avec le cœur du Savoir-Faire du franchiseur, au champ d’application de ces obligations ainsi qu’à leurs modalités de contrôles et/ou à leurs sanctions en cas d’inexécution. La prudence est ici de mise.
Il faudra vérifier ici que la mise en œuvre des obligations RSE au titre des obligations contractuelles ne s’effectue pas de manière à créer un déséquilibre significatif au détriment des membres du Réseau. Le juste équilibre est ici de mise, la participation du réseau au respect des engagements RSE pris par l’Enseigne à l’égard de la clientèle, suppose nécessairement que le Franchiseur prenne largement sa part dans l’exécution par ses soins, de ces obligations.
Requalification du contrat de Franchise (commission ou gérance salariée par exemple) , reconnaissance de la qualité de dirigeant de fait (ingérence dans l’organisation administrative ou juridique, intervention dans le système de management et la gestion des ressources humaines …) … sont des risques extrêmes qui peuvent techniquement être réalisés notamment lorsqu’il apparait que des engagements distincts de la simple réitération d’un concept (le cœur du contrat de franchise) viennent contraindre excessivement le Franchisé ou le priver de sa gestion effective.
Comment on peut vous aider ?
FRANCHISE MANAGEMENT, forte de son expérience et de sa collaboration constante avec de nombreux réseaux, peut vous aider à anticiper la survenance de ces risques.
Pour cela nous avons développé des méthodes permettant de qualifier votre Savoir-Faire non transmis, transmis de manière obligatoire ou facultative et nous disposons d’un réseau de partenaires de grande qualité (Experts comptables, Cabinets d’avocats spécialisés …) qui vous aideront à mettre en œuvre vos stratégies en étant éclairés sur la nature de vos droits et obligations.
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