Optimiser un réseau : L’exemple Grand Optical
Transformer un réseau d’adhérents du commerce associé en franchisés d’une enseigne à forte notoriété en leur apportant toute la valeur ajoutée des services d’une franchise
Ouverture à la franchise : 2007
Activité : Optique
Niveau de développement, au moment de la dernière intervention du cabinet : Fusion entre deux réseaux, l’un développé en coopérative (262 magasins) et l’autre en succursale (90 unités)
Apport de Franchise Management : Accompagnement un an après l’annonce du projet de fusion, création des outils de franchise, formation des membres de la structure opérationnelle à l’accompagnement d’entrepreneurs indépendants.
Création du réseau : 1989
En 2005, le groupe GrandVision, numéro 2 mondial de l’optique et propriétaire de l’enseigne succursaliste GrandOptical, intègre dans le groupe le réseau Visual, une coopérative. Objectif : créer une enseigne unique et forte sur un marché atomisé, en s’appuyant sur le savoir-faire éprouvé de GrandOptical en matière de techniques de vente, de gestion et de management.
A partir de 2007, les adhérents Visual deviennent franchisés GrandOptical. Cette démarche laisse perplexe la concurrence et les médias lors de son annonce. Pourtant, sept ans après, on constate que la fusion s’est opérée avec succès, avec une progression à deux chiffres de l’activité des magasins Visual qui ont adopté l’enseigne GrandOptical et ses méthodes.
Rencontre à Montigny-le-Bretonneux avec Corinne Guégan, responsable du développement de la franchise GrandOptical, pour comprendre les clés de réussite d’une aventure particulièrement singulière dans le monde des réseaux d’entrepreneurs indépendants.
Dans quel contexte avez-vous proposé aux adhérents Visual de devenir franchisés GrandOptical ?
Corinne Guégan : Le groupe GrandVision a proposé la fusion des marques GrandOptical et Visual aux 262 magasins Visual, lesquels réalisaient un chiffre d’affaires très variable selon leur taille, de 150 000 € à 1 500 000 €.
L’objectif pour GrandOptical était de gagner en parts de marché très rapidement dans un secteur extrêmement concurrentiel, où le nombre d’indépendants restent encore important.
GrandVision a donc proposé aux adhérents Visual, une enseigne finalement peu connue et qui avait des difficultés à se développer, de devenir franchisés GrandOptical, c’est-à-dire de rejoindre une belle marque à forte notoriété pour profiter des effets d’une politique commerciale globale et cohérente à grande échelle, tout en préservant les intérêts de chacun.
Pourquoi ce défi était osé ?
Corinne Guégan : Dans un premier temps, nous avons demandé aux indépendants Visual de poser l’enseigne et de refondre leur magasin aux normes du concept GrandOptical, notamment en termes de charte graphique. Une refonte que nous avons fortement conseillée à certains d’entre eux. Certes, nous les aidions à travers la prise en charge partielle des travaux d’aménagement. En contrepartie, il leur fallait abandonner leur esprit de coopérateur – qui leur offre un droit de vote sur les décisions du réseau comme à chacun de leurs pairs -, pour le modèle de la franchise, dans lequel leur avis est seulement consultatif, et où il faut faire confiance à un franchiseur qui doit se montrer visionnaire sur son marché.
Logiquement, comme tous les points de ventes n’avaient pas le potentiel pour représenter la marque GrandOptical, on a enregistré des sorties du réseau, pour trois raisons majeures. Soit parce que la franchise fragilisait le modèle économique du magasin en raison de son petit chiffre d’affaires, soit pour cause de départ en retraite, ou tout simplement parce que l’entrepreneur souhaitait poursuivre son activité comme indépendant isolé. 118 magasins Visual ont finalement rejoint les 90 unités succursalistes GrandOptical sous une même enseigne.
GrandOptical a donc démarré en franchise avec plus de 200 points de vente. Vous vous êtes retrouvés d’emblée sur un cheval au galop ! Comment s’est opérée cette transition ?
Corinne Guégan : L’annonce du passage du réseau Visual en franchise a eu lieu en janvier 2007 et a été effectif cinq mois plus tard. Un tour de France des magasins du réseau Visual, a été nécessaire, tout autant pour faire comprendre la valeur ajoutée des services en franchise en contrepartie de royalties, que pour expliquer les droits et devoirs d’un franchisé GrandOptical.
GrandOptical a apporté à ses nouveaux franchisés son expérience et le soutien d’une véritable structure opérationnelle, ainsi que des services en communication et en marketing, en termes de formation des entrepreneurs indépendants, d’outils de pilotage en magasin, de méthodologie de vente, de merchandising, d’exploitation de base de données… Nous avons dupliqué le modèle succursaliste pour la franchise, en développant notamment l’aspect managérial.
Par ailleurs, alors que dans une structure coopérative le mode de fonctionnement est moins contraignant, l’indépendant s’est retrouvé à devoir appliquer la politique commerciale de l’enseigne dans son intégralité une fois devenu franchisé Grand Optical. Ce qui impliquait, par exemple, de mettre une tenue aux couleurs de la marque ou de se conformer aux visites et comptes-rendus de l’animateur. Ces changements de règles n’ont pas été simples à adopter pour des indépendants habitués à la liberté du statut de coopérateur.
GrandOptical a également dû intégrer la culture de la franchise, et en particulier comprendre que la relation commerciale reposait sur une histoire d’hommes. Comment avez-vous opéré le transfert de votre savoir-faire à des indépendants, uniquement transmis jusque là à des salariés ?
Corinne Guégan : Jusqu’alors, les collaborateurs de nos succursales déroulaient la stratégie de l’entreprise naturellement, sans trop se poser de questions. La grande difficulté du métier de franchiseur consiste à démontrer le bien-fondé et l’efficacité de sa politique commerciale pour permettre le développement de son business à un commerçant indépendant qui ne l’a pas inventée et devra l’appliquer avec rigueur. En franchise, il faut davantage donner du sens aux opérations et détailler chaque process que lorsque l’on s’adresse à des succursales.
Exemple emblématique : le management des équipes. Avant notre arrivée, les entrepreneurs Visual se comportaient souvent de façon très paternaliste avec leurs employés, n’aimant pas les critiquer lorsqu’ils n’étaient pas bons ou ne formalisant pas les entretiens d’évaluation annuels. Or, le coaching et l’accompagnement des équipes permettent à des salariés moyens d’accéder à l’excellence dans le comportement avec le consommateur. On peut ainsi augmenter de 5 à 10% le chiffre d’affaires d’un magasin en gérant la performance de ses collaborateurs, à travers la détection de talents, l’évolution de leurs compétences et l’instauration d’objectifs.
La vision managériale d’un point de vente a été l’une des clés de notre projet en franchise. De même que la formation continue des entrepreneurs indépendants tout au long de leur contrat, identique à celle transmise à nos directeurs salariés.
Comment a été ressenti l’arrivée de la franchise au sein de GrandOptical ?
Corinne Guégan : On a observé une émulation entre entrepreneurs franchisés et directeurs salariés. Durant les premières années, nous avons organisé des dîners de rencontre avec des thématiques, telles que « Comment concrétiser un devis », entre les deux typologies de responsables de magasins GrandOptical. Le contact, d’abord tendu entre deux publics qui ne se connaissaient pas, s’est rapidement transformé en respect mutuel et entraide à travers des échanges pratiques et utiles lors de ces rencontres sur la performance des points de vente. Franchisés et directeurs salariés sont toujours mêlés dans les évènements du réseau : réunions régionales, convention annuelle…
Comment notre cabinet vous a accompagné dans cette aventure singulière dans le monde des réseaux d’entrepreneurs indépendants ?
Corinne Guégan : Franchise Management nous a accompagnés suite aux difficultés d’intégration du réseau de commerce associé au sein de GrandOptical. Son expérience et sa compréhension de la relation franchisé / franchiseur, avec ses exigences et ses limites, s’est avéré fondamentale pour engager cette transition dans des conditions optimales. En particulier, pour nous indiquer la frontière à partir de laquelle on pouvait tomber dans l’ingérence pour des affaires détenues par des indépendants. En franchise, il faut convaincre de la pertinence de ses choix, quand il suffit d’énoncer sa stratégie pour la voir appliquer en succursales.
Parallèlement, Franchise Management nous a aidés à créer les outils nécessaires en franchise : dossier de candidature, matrice de développement du réseau, définition des missions de la structure opérationnelle, animation… Cela a notamment nécessité de former les équipes au siège, afin de considérer le franchisé comme un client. Le cabinet nous a fait gagner du temps, car franchiseur est un métier à part entière.
Quels résultats constatez-vous aujourd’hui ?
Corinne Guégan : Après sept années de recul, on peut affirmer que ce mariage rare entre deux enseignes de cultures différentes a été réussi. La convergence des deux réseaux a permis au nouvel ensemble d’obtenir de meilleures conditions d’achats des produits vendus en magasin et d’améliorer ainsi sa compétitivité sur le positionnement moyen-haut de gamme. De plus, la franchise a permis à la marque GrandOptical de conquérir des zones de chalandises de moindre taille.
Quant aux franchisés, ils bénéficient d’innovations éprouvées, chaque opération commerciale étant testée dans cinq succursales avant d’être diffusées à tout le réseau. Cette évolution était impérative pour ces opticiens qui ne pouvaient plus se suffire d’être d’excellents techniciens et se devaient d’intégrer dans leur activité des dimensions de manageur, commerçant et communicant. Dans un métier de spécialiste, nous avons su les aider à transformer un savoir-faire professionnel en bénéfices pour le client, sans noyer le consommateur dans des considérations techniques et en valorisant nos gestes commerciaux à travers notre attitude.
Aujourd’hui, nous intégrons une dizaine de nouveaux franchisés par an et l’ensemble de nos partenaires issus du réseau Visual ont réalisé une progression à deux chiffres de leur activité.