Devenir Franchiseur : L’expérience Basilic & Co
Devenir franchiseur est une lente ascension personnelle qu’il faut savoir partager avec d’autres indépendants. Ce long chemin nécessite de s’affirmer comme un entrepreneur à la fois novateur et économiquement performant, de comprendre un marché et d’en tirer une vision, de formaliser son concept sans s’éloigner de la pratique réelle de l’activité, de créer des outils de la franchise en relation avec le terrain et satisfaire d’emblée ses premiers franchisés.
Création de l’entreprise : 2004
Lancement en franchise : 2013
Activité : Pizzas de terroir
Niveau de développement, au moment de l’intervention du cabinet : Préparation du lancement en franchise.
Apport de Franchise Management : Audit de faisabilité, aide à la réalisation des manuels opérationnels et du Document d’Informations Précontractuelles, aide à la structuration du développement.
Enjeux : Offrir aux franchisés la structure et les outils leur permettant de s’épanouir sereinement à travers le développement de leur entreprise.
Témoignage du lancement de la franchise Basilic and Co, restaurant pizzeria
De l’essence de l’entrepreneuriat puisée dans une pratique raisonnée des sports extrêmes à une conception de la franchise comme un défi partagé, itinéraire de la construction d’un franchiseur moderne, avec Laurent Bassi, fondateur de Basilic & Co, rencontré à Châteauneuf-sur-Isère, près de Valence.
Pourquoi avoir choisi la voie professionnelle de l’entrepreneuriat ?
Laurent Bassi : Presque… naturellement. Enfant, je démontais des petites voitures à moteur et utilisais leurs éléments pour reconstruire d’autres véhicules. A dix ans, j’ai fabriqué ma première mobylette de cross. Le cadre de l’école s’est rapidement avéré trop figé pour me permettre d’exprimer ma créativité. Je ne savais pas m’adapter à un moule, je devais construire ma propre voie.
Si je suis issu d’une famille d’ébénistes de père en fils depuis trois générations, je ne voulais pas reproduire l’isolement propre au métier de ma famille, intéressant par la précision qu’il exigeait dans sa pratique mais hyper éprouvant au niveau physique. Lorsque mon père est devenu éducateur spécialisé auprès de personnes handicapées pour leur enseigner la menuiserie, il s’est ouvert aux autres. Je l’ai même senti soulagé de pouvoir transmettre son savoir-faire au moment où le secteur du meuble, dans lequel on pouvait garder des produits fabriqués sur mesure durant des décennies, commençait à être bouleversé par l’arrivée d’un nouveau modèle, à travers des acteurs tels qu’Ikea.
Cela m’a donné envie d’entreprendre dans une activité en relation avec les gens. A plusieurs, tout devient plus facile. C’est très particulier à l’un des sports que je pratiquais adolescent, le rugby, fédérateur par sa notion d’entraide. On ne peut enlever un seul maillon de l’équipe sans que la chaîne ne se brise.
Comment avez-vous abordé la création d’entreprise ?
Laurent Bassi : De la même manière que le sport, c’est-à-dire comme un défi dont le seul moyen de le relever est de se donner à fond et de viser très haut, pour se satisfaire d’atterrir un peu plus bas.
En parallèle du rugby, jusqu’à l’âge de la vingtaine, j’ai pratiqué beaucoup de sports dits extrêmes, comme le moto-cross, le snowboard ou le BMX. En une seule journée, ces activités, tout en exigeant de progresser sur leur technicité, permettent de repousser ses propres limites et donc de mieux se connaître sur un plan personnel. On retrouve les mêmes sensations dans l’entrepreneuriat, fondé sur le dépassement de soi, avec une gradation dans les défis, de débutant à expert, qui offre de prendre toujours plus de plaisir en limitant les risques. L’entrepreneuriat est un sport individuel qui exige de travailler en équipe, comme finalement tous les sports individuels. Dans le moto-cross, par exemple, on partage son quotidien avec son team, et parfois même avec ses concurrents, en particulier pour se conseiller sur les choix à réaliser afin de mieux rouler. Connaître, par exemple, le meilleur endroit pour freiner ou accélérer. C’est pareil pour un entrepreneur, qui doit savoir échanger avec son entourage pour prendre des décisions.
De plus, il faut aussi parfaitement régler sa machine avant la course, pour qu’au moment de la compétition, le pilote comme l’entrepreneur puisse se concentrer sur ses automatismes.
C’est en particulier le cas dans la voie entrepreneuriale que j’ai choisie : la restauration rapide. Lors d’un service, il faut faire preuve de précision dans tous ses gestes pour avoir le temps de saluer le public au terme de la compétition, sans devoir être turlupiné durant toute la course par un détail qu’on a mal préparé. Et ne surtout pas manquer le départ : c’est-à-dire l’accueil du client et le début du rush.
L’entrepreneuriat, comme les sports extrêmes, n’est pas réservé aux personnes inconscientes, mais à des personnes conscientes que ces activités millimétrées nécessitent beaucoup d’entraînements, dans un seul but : oublier la peur de chuter – par exemple, si l’on ne rembourse pas ses emprunts -, afin de garder son sang-froid quelles que soient les épreuves.
Pourquoi vous êtes-vous engagé dans la voie de la restauration rapide, en apparence saturée de concepts ?
Laurent Bassi : Je désirais absolument travailler dans une passion. Après des études dans le sport, notamment de marketing et de communication, j’aurai aimé créer un magasin dédié aux sports extrêmes, en le composant comme un lieu de vie, de rassemblement pour une communauté, avec une piste, un bar et de grands écrans de télévision.
Mais je ne me sentais pas de vivre « enfermé » dans un point de vente, centré sur une gestion mercantile, alors que mon plaisir était dans le mouvement. Un de mes profs m’a offert l’occasion de passer une année à Salt Lake City au moment des Jeux Olympiques pour préparer les skis d’une grande marque… et j’ai refusé ! J’ai compris que je ne souhaitais pas quitter ma région, mais cela a été le déclic pour me lancer dans ma première affaire. Je ne pouvais pas avoir décliné une proposition aussi exceptionnelle pour ne rien faire à la place !
En parallèle de mes études, j’avais créé une association, dont évènement-phare était une course de moto-cross en 24 heures, tout-terrain, disputée sur un terrain de 20 hectares, réunissant 250 pilotes par équipes de cinq et 10 000 spectateurs sur deux jours. L’espace de restauration s’étendait sur 200 mètres carrés. Cette compétition nécessitait huit mois de préparation pour l’organiser. Mais son succès était tributaire de la météo.
Nous avions également besoin de trésorerie pour assurer un événement complémentaire, mobile, qui ne s’est finalement jamais développé.
Nous avons donc créé un restaurant sur une surface de 26 m2, « Au coin du feu », sans grands moyens, dans un village de 3000 habitants, à Saint-Jean-en-Royans, dans la Drôme, un endroit « rassurant » parce que nous y connaissions tout le monde. Nous avons gagné 10 000 euros à un concours de jeune créateur d’entreprise récompensé par la région, qui nous a pratiquement remboursé notre emprunt financier initial.
A mon sens, l’entrepreneuriat, c’est battre les meilleurs en étant parti avec peu de moyens. Durant mes études, j’avais certes appris à lever des fonds. Cela m’aurait permis de créer mon magasin de sport ou de me développer dans l’événementiel avec l’appui des grandes marques, qui n’avaient pas encore autant investi qu’aujourd’hui dans le monde des sports extrêmes. Les meilleurs de chaque métier, qu’ils soient designers, architectes ou logisticiens, m’auraient accompagné. Mais cela aurait été
comme gagner une course à laquelle n’aurait pas participé les meilleurs du domaine parce qu’ils étaient blessés.
Comment, à partir d’un restaurant, banalement appelé « Au coin du feu », avez-vous construit un concept original, « Basilic & Co » ?
Laurent Bassi : Avant d’ouvrir mon restaurant en 2004 à l’âge de 24 ans, j’ai potassé des livres ou des cours
sur la boulangerie, et j’ai été observé de nombreuses pizzerias en Italie. Il me fallait profiter de beaucoup d’inspirations pour en tirer mes propres recettes, et savoir simplifier certaines solutions existantes pour créer plus rapidement des produits tout en conservant la même qualité. On voulait également que le restaurant ne nous prenne pas tout notre temps, sinon nous n’aurions plus suffisamment de disponibilités pour développer l’événementiel de notre association. De plus, pour la soirée d’ouverture, « Au coin du feu » a attiré 90 personnes, et certaines ont attendu une heure et demie avant de pouvoir manger. Il fallait une approche millimétrée derrière le comptoir pour pouvoir servir le client dans de bonnes conditions.
Dès la genèse du restaurant, on a utilisé des produits de terroir sélectionnés auprès de fournisseurs de qualité, et on a proposé des pizzas 100% « fait maison » et conçus devant le client, avec le spectacle de la préparation de la pizza, jusqu’à la cuisson dans un four à bois. Le choix d’une « restauration rapide de qualité » n’a pas eu seule vocation de satisfaire le consommateur. Il devait aussi se concrétiser en préservant le confort des équipes du restaurant. J’avais travaillé lors d’un job d’été dans la plasturgie, en respirant des vapeurs toxiques, et ce n’était pas ma conception de l’entreprise.
L’organisation de l’équipe et l’emploi d’un matériel adapté devaient contribuer au bien-être des salariés, à un environnement social agréable. L’objectif était d’équiper les salariés avant de les laisser partir dans l’aventure d’un service de restauration, en leur offrant certaines libertés, et donc, un cadre précis et clair pour les exprimer. C’est la même attention que j’ai voulu porter aux franchisés avant de les laisser partir dans l’aventure de l’entrepreneuriat sous enseigne.
Comment s’est développé le concept Basilic & Co ?
Laurent Bassi : Le restaurant « Au coin du feu », fabriqué de nos propres mains y compris le four à bois, est devenu la référence dans le village, et même à plusieurs kilomètres à la ronde. Après deux années, il a été revendu 80 000 euros. Cette somme nous a permis de réaliser un nouveau restaurant de vente à emporter, à Romans-sur-Isère, dans un esprit de marque, tout en poursuivant la simplification d’un processus artisanal complexe pour pouvoir confectionner jusqu’à 150 pizzas de terroir par heure à partir d’ingrédients frais.
Je venais de découvrir la franchise à travers la lecture de magazines d’entreprise. Jusque-là, j’avais une idée finalement aseptisée de ce modèle de développement, avec des ouvertures pour conquérir des territoires et des magasins uniquement imaginés selon les règles du marketing et non comme des lieux de vie. J’ai alors compris que la franchise était avant tout un moyen de fédérer des entrepreneurs autour de la vision du métier du franchiseur et de créer une famille d’indépendants qui se ressemblent. Il fallait donc se démarquer tout autant par ses valeurs que par ses produits pour générer la confiance des clients et des franchisés.
Pour le réseau Basilic & Co, mon objectif a été de mettre l’humain dans l’entrepreneuriat, c’est-à-dire d’en faire un projet sociétal et environnemental dans le monde parfois trop capitalistique de la franchise. Cela s’obtient en préservant les conditions de travail des équipes d’un restaurant Basilic & Co, mais aussi en offrant au consommateur un cadre convivial et chaleureux, élégant et design, compatible avec la protection de l’environnement. Notre concept s’appuie sur des emballages recyclés et recyclables, de l’électricité verte, des ampoules basse consommation, des produits nettoyants écologiques, le tri sélectif des déchets, l’emploi de matériaux écologiques dans la conception des magasins… Et bien sûr, avec un modèle économique dans lequel le franchisé peut très bien gagner sa vie en étant fier de pratiquer une activité proposant un service rapide pour des produits de qualité dans un lieu de vie attrayant. Le premier restaurant « Basilic & Co » a été rentable dès la première année, dans une ville de 30 000 habitants aux revenus modestes.
Le franchiseur doit permettre au franchisé de se réaliser, d’être satisfait de créer sous enseigne, et ainsi de développer son affaire sur plusieurs restaurants et de devenir prescripteur pour les futurs candidats à la franchise Basilic & Co.
Comment s’est organisé le développement de Basilic & Co ?
Laurent Bassi : Pour pouvoir co-construire le réseau avec des franchisés, il faut codifier le cadre dans lequel on peut échanger et interagir avec ces indépendants en toute liberté. Il ne suffit pas de concevoir un concept, il faut mettre en place les moyens de le transmettre à des franchisés pour les aider à se réaliser sans être dans le conflit ou dans la discussion trop prolongée avec le franchiseur. Toucher l’excellence dans le produit, faire un produit incomparable avec les autres, c’est un fondamental du commerce. Il faut aussi mettre de l’excellence dans la pratique de notre concept, et donc dans la transmission de notre savoir-faire. Toujours dans l’esprit de faire gagner du temps aux franchisés pour leur permettre de se consacrer à d’autres choses que leur cœur de métier : préparer le lancement d’un nouveau restaurant, communiquer localement… Mais aussi, profiter de sa vie de famille et avoir des loisirs ! Dans l’entrepreneuriat, il faut pouvoir vivre la notion de plaisir dans la journée sans devoir toujours la remettre au lendemain !
Quand j’ai commencé à créer la marque Basilic & Co, j’avais intégré que franchiseur était un métier complexe et extrêmement structuré, nécessitant d’être entouré d’experts pour donner les meilleures chances à son projet de réseau. Autant alors s’adresser aux meilleurs, qui ont vécu de près les réussites et les échecs d’enseignes de franchise pour m’apporter l’expérience dont je manquais et me donner une orientation précise et fondée sur du vécu pour développer Basilic & Co. Et tant qu’à faire, que ces experts possèdent un vrai sens de la proximité dans la relation humaine. Parmi tous les accompagnants de franchiseur, Franchise Management s’est distingué par ses références de clients, la pratique même du métier de franchiseur par son fondateur, une réelle accessibilité dans l’échange et une procédure de travail simple à comprendre.
Comment avez-vous travaillé avec notre cabinet ?
Laurent Bassi : Notre collaboration a commencé par un audit de faisabilité d’un développement en franchise sur l’unité de Romans-sur-Isère, qui m’a amené à modifier le concept sur certains points, notamment pour mieux mettre en valeur ses forces.
Franchise Management m’a aussi appris à déléguer l’opérationnel du restaurant pour pouvoir me consacrer à la stratégie de développement du réseau. Si j’avais beaucoup écrit sur des fiches le fonctionnement d’un point de vente Basilic & Co, je l’ai transcrit sous la forme de 9 manuels opérationnels : ressources humaines, matières premières, marketing, etc. – jusqu’à l’entretien du four, avec une couleur et une référence pour l’éponge à utiliser. Durant cette codification du savoir-faire, je n’ai cessé d’éprouver l’écrit par la pratique, pour vérifier si les salariés savaient s’en servir sans aide extérieure. J’avais conscience d’emmener des humains dans une aventure complexe, et que je devais me donner le temps de construire les outils de la franchise, afin de pouvoir donner du temps à mes franchisés pour construire leur propre projet entrepreneurial.
L’un des effets immédiats de ce travail avec le cabinet a été de doubler le chiffre d’affaires de l’unité de Romans-sur-Isère. Franchise Management me servira aussi de tuteur positif dans la rédaction du Document d’Informations Précontractuelles, et m’accompagnera dans la structuration et l’appréhension du développement, en particulier de l’équipe du franchiseur. Aujourd’hui, ce cabinet, qui m’a rassuré dans le bien-fondé de ma démarche de devenir franchiseur, m’offre encore un regard extérieur pour prendre du recul sur le développement du réseau.
Comment s’est passé le recrutement des premiers franchisés ?
Laurent Bassi : En juillet 2013, j’ai ouvert un second établissement Basilic & Co à Grenoble, une ville de 160 000 habitants, dans un contexte extrêmement concurrentiel et avec un niveau d’exigence élevé sur la pizza en raison de la proximité avec l’Italie. Des enquêtes de qualimétrie sur l’unité de Romans-sur-Isère avaient fait apparaître la demande d’une restauration sur place de la part des consommateurs. Cette seconde unité-pilote va intégrer une nouvelle charte architecturale et proposer simultanément de la vente à emporter et de la restauration sur place. C’est aussi à ce moment-là, après neuf années à affiner mon concept et les outils de la franchise, que je débute véritablement le recrutement de mes premiers franchisés.
Le métier de franchiseur consiste à aider le franchisé à se réaliser réellement à travers ses objectifs personnels, en se donnant des étapes, des temps de passages par année pour les atteindre. Ce sera ensuite plus simple d’être en phase avec cet entrepreneur et de lui apporter les réponses qu’il attend réellement.
Cet état d’esprit met, certes, encore plus de pression sur notre accompagnement quand un futur franchisé investit sur du multigénérationnel en souhaitant léguer un capital à ses enfants. Notre travail de franchiseur est d’écouter, de déterminer, avec éthique et profondeur, si le projet d’un candidat est motivant à accompagner. Ce peut être le défi de construire son propre univers alors que le candidat aurait pu profiter de l’environnement familial pour mener une carrière professionnelle plus tranquille. Ou encore, pour un ancien salarié de haut niveau avec une carrière vécue dans la mobilité, de développer son projet dans la région de son environnement familial et amical. C’est pourquoi verbaliser et écrire, dès les premiers entretiens, le déroulement du projet entrepreneurial d’un candidat à la franchise, permet de lui faire prendre conscience, une fois devenus franchisé, des éléments à mettre en place pour parvenir à son rêve initial.
Même si un franchiseur doit régulièrement savoir faire preuve de patience, il doit toujours construire son enseigne par rapport aux objectifs personnels des candidats, pas par rapport aux objectifs financiers du réseau. C’est ainsi qu’il créera une relation de partage et d’échange au sein d’un réseau de franchise, afin que le brainstorming permanent autour de son concept aboutisse à des innovations correspondant aux attentes modernes et sans cesse renouvelées du consommateur, et à une réussite commune dans un défi partagé.